CARNET DES CIEUX

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Le deuil suite à la perte d'un animal de compagnie

 

Tout maître d'un animal de compagnie appréhende un jour ou l'autre la perte de ce dernier. Avec raison, puisqu'il s'agit là d'une expérience relativement pénible. Le deuil suite à la perte d'un animal de compagnie est un phénomène et un domaine d'étude qui m'intéresse depuis plusieurs années. Ayant moi-même perdu un animal de compagnie et en m'appuyant sur mes études universitaires, il m'est possible d'affirmer que la perte d'un animal de compagnie peut avoir des répercussions importantes sur la vie d'un individu. Malheureusement, notre société a souvent de la difficulté à admettre qu'un individu puisse ressentir du chagrin ou des émotions intenses suite à la perte de son animal de compagnie. Conséquemment, plusieurs individus négligent de reconnaître l'impact que peut avoir ce type de perte malgré son apparence plutôt triviale.

L'attachement humain-animal et le deuil suite à la perte d'un animal de compagnie

 

En ce qui concerne l'attachement humain-animal, la littérature scientifique reconnaît de plus en plus que le lien affectif entre un maître et son animal est souvent très puissant. En effet, des personnes affirment ressentir un lien affectif plus intense avec leur animal de compagnie qu'avec un autre être humain. Chez ces personnes, le deuil de l'animal peut parfois se révéler plus pénible que la perte d'un semblable.

Il est vrai que la perte d'un être cher et la perte d'un animal de compagnie sont semblables. Au niveau des manifestations du deuil suite à la perte d'un animal de compagnie, les maîtres endeuillés éprouvent typiquement de l'anxiété, du déni, de la colère, de la culpabilité et de la solitude; réactions similaires à celles observées lors de la perte d'un être humain. Regardons comment ces réactions s'appliquent dans le contexte d'un deuil suite à la perte d'un animal de compagnie :

  1. Le déni : Souvent, les maîtres refusent d'accepter la réalité de la mort de l'animal de compagnie.
  2. La colère : Cette colère est souvent orientée vers le vétérinaire, les autres membres de la famille ou vers l'animal qui vient de décéder.
  3. La culpabilité : Puisque les maîtres se sentent souvent responsables de l'animal, surtout dans le cas de l'euthanasie, la culpabilité est souvent très présente dans ce type de deuil.
  4. La dépression : Ce n'est pas rare que les maîtres endeuillés entrent dans une brève période de dépression; souvent ces derniers se sentent seuls, ils ont une perturbation de l'appétit et du sommeil et ils remémorent beaucoup les souvenirs de leur animal décédé.
  5. La résolution : Les maîtres acceptent la perte même s'ils peuvent se sentir tristes en repensant à leur animal; ils remettent le décès de l'animal en perspective tout en reprenant leur fonctionnement quotidien productif et satisfaisant.

Au cours des étapes mentionnées ci-dessus, plusieurs symptômes somatiques et psychologiques peuvent être observés tout au long du processus de deuil suite à la perte d'un animal de compagnie, notamment la nausée, l'engourdissement, la fatigue, les serrements à la poitrine, la bouche sèche et les difficultés respiratoires, le désespoir, la dépersonnalisation, le retrait social, etc.

Malgré certaines ressemblances avec le deuil d'un être cher, le deuil d'un animal de compagnie est unique. Tout d'abord, à cause d'un manque fréquent de reconnaissance et d'empathie de la part de notre société, beaucoup de solitude est ressentie par les maîtres endeuillés suite à la perte de leur animal de compagnie. Certains auteurs précisent que la solitude semble être directement liée au fait que les personnes endeuillées évitent tout contact social là où il y aurait possibilité d'entendre des commentaires négatifs ou réprobateurs tels que « Arrête de pleurer, ce n'était qu'un animal, après tout, ça se remplace! ». évidemment, ces types de commentaires peuvent sérieusement troubler le processus de deuil puisque les personnes endeuillées s'empêchent alors d'exprimer leur détresse, leur ennui et restent aux prises avec leur colère suscitée par la perte et s'en défendent par l'isolement, le retrait social et l'évitement. Dans certains cas, cette perturbation du processus de deuil peut même mener au développement d'un deuil pathologique.

Une autre caractéristique qui distingue le deuil suite à la perte d'un animal de compagnie du deuil d'un être cher a trait au fait que les maîtres endeuillés cherchent souvent à donner un sens à leur deuil en se référant à la réaction des gens dans leur entourage. Les maîtres endeuillés ajustent donc leur réaction de deuil selon les valeurs et les standards sociaux, selon le milieu culturel de l'animal défunt et selon le milieu culturel vétérinaire. Cette interprétation des réponses et des réactions des gens dans l'entourage détermine souvent la façon d'agir qui serait appropriée de la part des maîtres endeuillés suite à la perte de leur animal. Mis à part l'interprétation que font les maîtres quant aux réactions de leur entourage, d'autres facteurs tels que les croyances personnelles des maîtres, la période de leur vie, les événements critiques de la vie et les qualités de l'animal peuvent apaiser ou exacerber l'épreuve du deuil.

Lors du deuil suite à la perte d'un animal de compagnie, les maîtres endeuillés se questionnent souvent sur leur santé mentale devant leur comportement qu'ils jugent inhabituel. Par exemple, ils entendent encore les pas de l'animal ou croient percevoir l'animal couché à son endroit préféré de la maison. Ces comportements peuvent sembler anormaux, cependant ils sont tout à fait normaux et font partie du travail de cheminement du deuil vers un rétablissement absolu. En outre, le fait que ces gens reçoivent moins de soutien social face à leur deuil enlève aux endeuillés l'occasion d'exprimer leurs inquiétudes face à ces comportements de déni.

De plus en plus, les animaux de compagnie occupent une place importante dans notre société. Cela est particulièrement évident lorsque nous considérons l'augmentation du nombre de familles accueillant un animal de compagnie en Amérique (plus de 50% des foyers nord-américains). Les animaux donnent aux individus l'opportunité de démontrer leurs capacités d'amour et d'affection; capacités qu'il faut inévitablement retravailler au moment de la perte. D'ailleurs, cette perte est une réalité indéniable et omniprésente. Espérons qu'une meilleure compréhension du deuil suite à la perte d'un animal engendrera une plus grande reconnaissance et un profond respect du chagrin des personnes accablées d'un deuil suite à la perte de leur animal de compagnie.

Dre Annique Lavergne
Psychologue